dimanche 8 juin 2025

Journal ritaphysique (8 juin 2025)

Je renoue sans conviction avec l'exercice du journal amorcé fin janvier.

Impression d'être allé de nulle part à nulle part en passant par nulle part.

J'aimerais pouvoir dire, comme Monsieur Teste, que la bêtise n'est pas mon fort, mais je crains au contraire être doté d'un sens de la bêtise très aiguisé, yep, et d'autant plus lorsque la bêtise se donne des airs de luminosité.  Je ne résiste pas à cet appel de phares que le désastre m'expédie de loin en loin, surtout sur les petites routes de campagne qui s'écartent des grands boulevards de l'ontologie classique.

Voilà ce qui arrive à force de peloter des idées louches: on se ramasse avec un tas de petits morpions conceptuels, on s'en tire avec une chaude pisse postmoderne, on finit par penser tout croche et malproprement.

(Ionesco dit que le théâtre est un endroit où il semble que quelque chose se passe.  Eh bien, mon journal ritaphysique est un endroit où il semble que quelque chose se pense.)

*

Bouhouhou.

Ok, ça va faire l'autoflagellation.  Encore, si ça me faisait bander...

Bon, ne soyons pas vache, j'ai quand même conquis en cours de route 2 ou 3 points qui me semblent sûrs ou à tout le moins pas trop vacillants: 1) penser, c'est interroger ou être interrogé; 2) le journal n'est pas causa sui: il est le produit intérimaire d'une fiction dérobée et d'une correspondante ritavoilée; 3) un trou de cul est quelqu'un qui pue du pouvoir en performant la totalité du mépris dont il dispose; 4) la philosophie existentielle demeure possible même si elle s'appuie à une conception des choses dans laquelle il n'y a pas de place pour la liberté; 5) la littérature est un acte de résistance politique.

Pense, porc!  Le petit cochon ne s'en tire pas si mal, mais ce n'est pas encore assez, on n'a pas encore creusé suffisamment ces intuitions.  Ce qu'on veut, c'est quelque chose de vraiment cochon...

D'où la question: que serait, dans le monde du concept, l'équivalent d'un événement totalement pornographique?

Si je me fie à l'origine du mot pornographie, pornè désigne la prostituée payée à la passe.  De ce point de vue, un intello pornographe serait donc celui que l'on paie à la pensée.  

Je te paie pour travailler, alors travaille.  Je te paie pour penser, alors pense.  

Mais peut-on conjuguer la pensée à l'impératif?  Peut-on forcer la pensée à se produire?

En d'autres termes, si la production d'idées correspond au travail pour lequel on me paie, comment puis-je produire une seule idée s'il est vrai qu'une idée est une chose/un vertige/une étoile qui ne peut que venir?  

Car l'idée est par définition ce qui vient à l'esprit, je veux dire: ce qui vient de lui-même abstraction faite de tout contrôle, de toute décision, de tout plan de travail ou de tout programme de production.  Et même si on concédait que le plan ou le programme est la condition nécessaire à l'arrivée de l'idée, ce n'en est pas -- ce n'en est jamais -- la condition suffisante.

Il y a une altérité de l'idée qui demeure irréductible à toutes les puissances (concentration, ténacité, intelligence) qui invoquent sa venue.  Ce qui signifie que l'idée, par définition, est un événement qui arrive à X, lequel ne peut en aucun cas forcer sa production.

L'idée est ce qui vient à l'idée, l'idée est ce qui vient d'elle-même à elle-même, ce qui signifie 1) qu'elle arrive: elle n'est pas là d'abord pour ensuite se retrouver ailleurs, non, elle coïncide sans reste avec son se-passer ici et maintenant dans cet esprit-ci sans qu'on sache trop ni pourquoi ni comment; 2) qu'elle vient: sa venue est le plus souvent l'équivalent d'une éjaculation intellectuelle; l'idée gicle et la jouissance qui accompagne son éruption n'est même pas une métaphore, c'est un fait dont la charge libidinale est susceptible de passer par toutes les variations qui vont de l'euréka triomphant au ok cool plus modéré.

Ceci dit, la question n'en demeure que plus pressante: la pensée peut-elle se prêter à un exercice pornographique?  Peut-on payer à la pensée comme on paie à la passe?  En d'autres termes: un fonctionnaire de la philosophie est-il possible?

Hmmm...

Pour blaster le tout dans les mots de Heidegger: qu'est-ce qui ne nous laisse pas en repos ici?





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