Depuis que mon sommeil est passé à la déchiqueteuse, les moments de vigilance se font de plus en plus rares. Impression de passer mes jours derrière un pare-brise infesté de chiures d'oiseaux.
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Réfléchir sur les conditions de possibilité du journal ne m'a pas mené à grand chose. En tout cas, je n'y vois pas plus clair sur les contours de la fiction dont je ne suis peut-être même pas le personnage principal. Ici même en cet instant, je répète en présence d'un metteur en scène porté apparu / disparu.
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Trois fois sur quatre, quand je lis un roman québécois, j'ai l'impression d'être en présence d'un produit recyclé à partir d'un atelier de création littéraire. Ou encore d'avoir affaire à un truc qui serait davantage à sa place dans un journal que dans un roman. Sauf 2 ou 3 exceptions, c'est narcissique, mal ficelé, le plus souvent décousu ou mollement patenté...
À titre d'exemple, je parcours la production des éditions de ***. C'est toujours la même rengaine: les 3 premières pages, tu fais wow. Passé le cap de la 10e, tu te dis: oui, mais t'encore? Parvenu à la 30e, tu fais ouais, ouais... Au-delà de la 50e, ô cibole, ô misère, tu comptes les pages qui te restent à lire avant la fin -- une soixantaine, genre -- et si tu trouves encore la force de continuer, alors tu passes en mode une bouchée pour môman, une bouchée pour pôpa...
Oui mais tout le monde dit que le dernier roman de D., c'est de la bombe, que c'est génial! Peut-être, mais ce n'est pas très bon. Un roman peut être à la fois génial et pas très bon, voyez Ulysse de James Joyce. À l'inverse, un roman ne sera pas nécessairement génial, mais vraiment très bon, comme Soumission de Houllebecq ou Les Poupées de l'Ombre jaune de Henri Vernes.
Et puis cette obscène concentration de moi moi moi je je je... Se pourrait-il que nous en ayons soupé? Ça manque cruellement de *tu*, de *il*, de *nous* -- et même de *vous* si on pense à des romans de facture BDSM.
Et puis ces émissions de madames animées par des madames qui s'adressent à des madames qui écrivent des romans de madames mettant en vedette des madames qui parlent de bizounes, font l'exégèse de bizounes, condamnent des bizounes et coupent des bizounes toutes plus sales et affreuses les unes que les autres -- se pourrait-il que nous en ayons dégueulé?
Et si par hypothèse tout ça était juste et vertueux et même nécessaire -- mais esthétiquement pas très bon?
Et si par hypothèse la littérature n'avait rien à voir avec l'éthique?
Et si par hypothèse la littérature était d'abord et avant tout un acte politique?
Le 12 août, j'achète un livre québécois -- sorry, j'en vois de moins en moins la nécessité.
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Peut-être faut-il passer par le fait littéraire pour mieux comprendre la distinction entre l'éthique et le politique. Comme si le politique était le lieu d'un impératif radicalement différent du *tu dois* propre à l'éthique. Comment formuler cet impératif? Et s'agit-il seulement d'un impératif? À creuser.
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