lundi 17 mars 2025

Journal ritaphysique (17 mars 2025)

Rendez-vous chez le dentiste cet après-midi afin de réparer un plombage qui a sauté l'autre jour alors que je me défonçais aux Cracker Jack.  J'ai bien compté: c'est la dernière molaire inférieure qui tient encore le coup après une orgie de rafistolages.  Si par malheur je devais la faire arracher, il ne me resterait plus qu'à prendre le chemin de l'étable, des puddings et de la vodka.

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Couché sur le côté, il la pénètre mollement, ça ne bande déjà plus comme ça bandait il y 3 minutes, entre le fumet de surchauffe du condom et la fragrance de gomme Excel.  Cela dit, la plante de son pied lui arrive à contre-jour, en état d'apesanteur érotique, comme une éclipse de fenêtre d'hôtel.  Il lui est aussi indifférent de jouir qu'il l'est à Barthes de ne pas être moderne.

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J'essaie de mesurer l'espace qui sépare l'écroulement actuel de notre monde (je ne rêve pas), de ce moment où nous intégrerons nous aussi le clan des refoulés, où la multiplication des matières imposables et la prise d'assaut des marchés d'alimentation feront de chaque citoyen un poète de la fracture, un itinérant ceinture jaune, verte ou noire selon la disponibilité des bancs publics et l'aptitude à survivre une nuit de plus entre les matraques électriques et les ruelles enchantées.

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À genoux dans le lit, elle le branle de la main droite (l'index sur le frein coulant), pendant que sa main gauche, délestée de tout avenir lisible, exécute dans les airs une petite danse rythmée par le cliquetis du radiateur.  On dirait des arabesques inspirées de fugues orientales ou de figures de patinage artistique.  Cette errance manuelle le méduse à un point tel qu'il se retient de gicler, la grâce irrationnelle de cette motion marque le suspens de l'ange à proximité du nombril, et précisément parce qu'il ne sait pas si cette confusion est à jouir ou à penser, il en jouit deux fois plus.

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Montréal est un tas de marde.

Les politiciens qui appuient/rationalisent les récentes mesures visant à harceler les sans-abri dans le métro sont pleins de marde.

Plante: Mesures déchirantes mais nécessaires.

Marie-Claude Léonard: On prévoit fermer des espaces considérés comme des points de tension en raison de leur utilisation quotidienne par des personnes sans objectif de déplacement.

(C'est quoi un objectif de déplacement?  Se rendre au Costco le dimanche après-midi et en revenir avec un milliard de méga-cochonneries qui vont prendre le chemin des vidanges le dimanche suivant?)

Lionel Carmant: Près de la moitié du transfert de 50 millions d'Ottawa à Québec destiné à mettre fin aux campements et à lutter contre l'itinérance servira à soutenir des projets à Montréal sur une période deux ans...

Dès que Plante, Léonard ou Carmant prennent la parole à la télévision, je coupe le son.  De cette manière, quand ils ouvrent la bouche, je peux plus facilement me concentrer sur les torrents de marde qui en refoulent.

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À 5h22 de l'après-midi, il la prend par derrière, les pieds à plat sur le tapis jonché d'éclats de dentelle et de talons aiguilles versés sur le côté.  Il accélère la cadence et il se concentre sur le choc étiolé de ses couilles contre le clitoris.  (Le regard fixé sur la bouteille de Santa Christina, il se demande pourquoi il s'est mis à bander quand elle lui a confié qu'elle ne conduisait que des voitures manuelles.  Décidément, le cul est une bien étrange chose.)

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Une actrice porno à qui on demandait justement quelle était la différence entre l'érotisme et la pornographie répondit: l'éclairage.

L'éclairage, l'éclairage...  (sur le ton du colonel Kurtz qui, à la fin d'Apocalypse Now, répétait: l'horreur, l'horreur...)





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