vendredi 28 mars 2025

Journal ritaphysique (28 mars 2025)

Il n'y a pas de situation interrogative plus profonde que celle où on se retrouve lorsque l'interrogation s'invagine, se retourne sur elle-même et s'enfonce dans son vortex.

Dans ce cas, /?/ renvoie infiniment à /?/ de telle sorte -- et à une vitesse si élevée -- que la pulsion d'interroger ne se démêle plus de la sensation d'être interrogé.

Tout travail conceptuel consiste donc, d'abord et avant tout, à imposer une lenteur de croisière à cette vitesse absolue.  Décélérer le flux, apaiser l'hémicycle de l'anneau pour ensuite prendre le champ interrogatif qui coïncide avec cet apaisement.

Or, si le champ interrogatif qui correspond à celui de l'art en général et de l'écriture en particulier est bien celui de l'énigme (comme j'ai déjà tenté de le démontrer*), il s'ensuit que les questions fondamentales qui m'ont barré la route depuis que j'ai entamé ce journal sont autant d'énigmes secondaires qui pointent toutes en direction de l'énigme centrale que l'on pourrait formuler provisoirement (et vulgairement) comme suit: What the fuck? 

Qui est Rita?  Quelle est cette fiction dérobée à laquelle le journal s'appuie clandestinement?  Comment formuler l'impératif esthétique de telle sorte qu'il s'assimile à un acte de résistance politique?  Qu'est-ce qu'un trou de cul? Quelle est la différence entre l'érotisme et la pornographie?

Oui, ces énigmes ritaphysiques font signe en direction d'une énigme antarctique dont la formulation est impossible, car elle correspond à la question pénultième, c'est-à-dire à la dernière question que l'on rencontre avant (tout juste avant) de sombrer dans le brasier terminal, soit la question des questions, laquelle n'est pas, n'en déplaise à Heidegger, celle de l'être, mais plus radicalement: quoi de /?/ à /?/ ?

*

Il y a des philosophies alpestres qui favorisent l'apparition de dangereuses pensées comme celle de l'éternel retour.

Il y a des philosophies sylvestres où l'être donne à penser à mi-chemin d'une clairière automnale et de la soupe aux pois d'Elfride.

Il y a des philosophies citadines où on s'installe à la terrasse d'un café, bien résolu à compléter le 5e chapitre de L'être et le néant, jusqu'à ce qu'on remarque que des crabes nous pincent le gras du mollet.

Et puis il y a des philosophies de chambre d'hôtel où la tête nous pète, coincée qu'elle est entre 3 ou 4 énigmes, 3 ou 4 concepts-clés tels que rita, fiction, politique et érotisme, lesquels tournent dans le même sens autour d'un même gouffre comme l'eau de la douche ruisselant autour du ligament annulaire antérieur du tarse d'un pied féminin.

Pour de telles philosophies, l'avenir tient en 2 possibilités: 1) un tractatus logico-ritaphysicus, dont la fibre spinoziste et/ou wittgensteinienne prédispose l'écriture à un enchaînement de propositions dont l'arbitraire monadologique est tout aussi terrifiant qu'irréductible, par exemple:

1.  Tout est cul.

1.1 Le monde est la totalité des culs, non des pensées.

1.1.2  La pensée qui pense la totalité des culs est donc cul elle aussi.

1.1.3  En tant que cul se pensant lui-même, la pensée est enculation.

1.1.3.1  Toute pensée pensant l'enculation qu'elle est chaque fois elle-même, loin de se désenculer, se réencule.

1.1.3.2  Nous appelons surculation le fait de penser tout le monde en même temps que l'enculation réenculatoire est notre condition initiale, constante et finale.

2.  L'effectuation anthropologique de cette enculation généralisée est qualifiée d'homo-roïde.

3.  Le faux cul n'existe pas.

3.1.  T'es sûr de ça?

3.1.2.  Commence pas...

4.  À suppositoire que l'ensemble de tous les ensembles se contienne lui-même, le cul ne laisse donc rien en dehors de son événement, l'infini est trop étroit pour sa propre pénétration, Dieu en est nécessairement catapulté en tant qu'anti-cul et le tractatus se solde par un rétractatus qui prend fin ici.

5. Fin.

Ou bien, seconde possibilité 2) un journal qui se présente comme une espèce d'essai policier (dans le sens où on parle parfois de roman policier) dans lequel l'enquêteur (retraité Gagnon) interroge tour à tour certains témoins conceptuels (rita, la fiction, le politique et l'érotisme) afin de déterminer si la victime (la raison sous sa forme la plus classique) est bel et bien morte et enterrée ou bien si elle ne survit pas plutôt en tant qu'étoile du soir et science désirée des rondeurs inintelligibles que le hasard, le destin ou quelque boutique Séduction (c'est selon) met à sa disposition.

  


* Voir Sortir de la philosophie.  Essai de psychose transcendantale.

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