À la lumière des événements qui ont marqué, voire même secoué, l'actualité internationale des derniers jours, il convient plus que jamais de se pencher sur la question philosophique suivante: Qu'est-ce qu'un trou de cul?
La question se pose -- et il est vrai que la tentation d'y répondre spontanément, sans trop y réfléchir, est considérable. Après tout, n'avons-nous pas l'embarras du choix? Ne voyons-nous pas évoluer sous nos yeux, et cela sur une base quotidienne et en toutes sortes de situations, un tas d'exemples, une orgie d'échantillons anthropologiques que l'on peut considérer comme d'excellentes approximations du trou de cul?
Sans doute, mais pour le dire dans les mots de Heidegger, l'essence du trou de cul n'aura pas été pensée pour autant.
(C'est drôle la vie. À l'automne dernier, plusieurs personnes me demandaient si j'avais des projets pour la retraite. Je répondais vaguement en me grattant le coco. Eh bien, voici un projet de retraite qui en vaut bien d'autres: réfléchir sur le trou de cul. Mieux encore: isoler les invariants eidétiques & autres ingrédients platoniciens qui entrent dans la composition de la Forme intelligible du trou de cul. Ou selon une méthode plus hégélienne, contraindre notre conscience naturelle à emprunter le chemin du scepticisme et du désespoir jusqu'à ce que le concept de trou de cul se saisisse de lui-même et s'auto-encule en soi et pour soi.)
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Sérieux, laissons Platon et Hegel de côté, et procédons plutôt de façon empirique.
Si on lance l'expression trou de cul, comme ça, sans préavis et hors contexte, quelles sont les images qui me viennent spontanément à l'esprit? Qu'est-ce que je vois en premier?
Avant toute vision, il y a d'abord une sensation floue, comme un rouleau de brume affective que la réflexion ne doit pas dissiper trop vite si on doit accueillir le donné de cette sensation tel qu'il apparaît de prime abord, et dans les limites à l'intérieur desquelles il apparaît.
Sauf que déjà, dans le caractère flouté ou brouillé de cette sensation, je rencontre une noirceur particulière, une noirceur qui n'est pas tout à fait de même nature que celle que je pourrais rencontrer par exemple dans une sensation d'orgueil, de honte ou même de haine.
Le noyau nocturne que je frappe, pour ainsi dire, au centre de la sensation éprouvée spontanément lorsque j'entends l'expression de trou de cul, ce petit bloc de nuit qui pulse au centre du donné coïncide avec une extraordinaire concentration de mépris. De fait, tout se passe comme si le caractère flouté de la sensation ne parvenait pas à dissimuler le quantum anormalement élevé de mépris qui creuse cette sensation.
Il restera à déterminer si ce mépris considérable, rencontré d'abord sur le plan le moins réfléchi de l'expérience du trou de cul, est une composante appelée à de plus amples stabilisations sur le plan de l'essence, ou si ce n'est pas plutôt le caractère indéfini, brumeux, etc. de la sensation première qui induit (mais pourquoi?) cette sensation concomitante de mépris.
Bon, va pour la sensation. Mais pour ce qui est de la vision à présent: qu'est-ce que je vois quand j'entends l'expression de trou de cul?
Je vois quelque chose qui est en instance de singularisation. À ce titre, la vision est moins floutée que la sensation. Je vois quelqu'un comme Elon Musk. J'entends l'expression trou de cul et paf! la représentation de quelqu'un qui ressemble vachement à Elon Musk -- si ce n'est Elon Musk lui-même -- me vient à l'idée sans rien forcer.
Car même en faisant abstraction de tout ce qu'il peut y avoir de contingent dans cet exercice -- ma sensibilité personnelle, mes préférences politiques, mon tempérament de tête à claques, etc., -- le fait demeure: une représentation de quelqu'un comme Elon Musk doit nécessairement et spontanément surgir lorsque l'expression de trou de cul est performée.
Mais pourquoi lui ou quelqu'un comme lui? À cause de son rayonnement politique et/ou de sa façon d'exercer le pouvoir? Un trou de cul sans pouvoir est-il possible? Sans doute pas. On n'imagine pas un trou de cul dans la position de la victime ou de tout autre instance sur laquelle le pouvoir s'exerce. Le trou de cul n'est peut-être pas politique, mais il est capable de pouvoir. Il peut le pouvoir et il le peut jusqu'à le puer. En fait, je vais conclure provisoirement de la manière suivante: Est trou de cul celui qui exerce le pouvoir dont il est capable de manière à puer du pouvoir (comme on peut puer du cul dont on est le trou) et donc à mépriser maximalement ceux sur lesquels ce pouvoir s'exerce.
Reste à voir si on peut envisager des degrés dans la trou-de-culité, ou si, au contraire, on ne peut qu'être ontologiquement trou de cul.
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