vendredi 21 juillet 2017

Éveil

Il se recevait de proche en proche, par éclats successifs, il s'atteignait au détour d’un psaume, d'une pulsation dont la ferveur initiale s’achevait dans le vague, se prolongeait dans un froissement de pensées sans suite et sans relief.  Il y avait, bien entendu, ce plaisir qui consiste à pisser infiniment les yeux fermés à quatre heures du matin, et le dégoût consécutif au flottement des phalènes, mises en bouteille au château, entre les fleurs de papier de soie mouchetées de sperme ancien et les bavures épuisantes de la clarté à la fenêtre du salon. 

Tant de choses sur lesquelles il aurait mieux valu fermer les yeux et écraser mollement, à pas perdus, dans une ultime distraction d’insomniaque.  Tous les mots craquaient de l’intérieur, se fractionnaient en deux ou trois syllabes, guère davantage; aucun n’atteignait la cible avec plus de précision qu’un geste avorté de la main en direction des visages qui prenaient le silence à la sortie du boisé.  Il allumait le téléviseur, l’éteignait, le rallumait : l’image ne bougeait pas, elle persévérait dans son immobilité oraculaire, à peine frémissait-elle de son abolition prévisible dans une cataracte de sexes déficelés et d’orifices rompus, giclant sous les assauts répétés d’un faune aux sabots de verre.

Les tasses souillées s’amoncelaient dans le lavabo.  Il but à même la carafe brûlante; les sens noircis de misère matinale, il écarta les lattes, ouvrit la fenêtre comme on ouvre une bouteille ou un roman.  Le chat revenait de la nuit dans un bruissement de palmes et de cendres mouillées.