dimanche 28 février 2016

Notes pour une théologie esthétique 9



Soit le cercle ontochronique chez Heidegger.  La compréhension de l'être est initialement projetée sur un horizon de temps, et le temps lui-même, dans la mesure où il est, ne peut être compris que par projection (ou rétrojection) sur un horizon ontologiquement déterminé.

Nous sommes donc dans un régime de détermination ou de projection réciproque de l'être par le temps et du temps par l'être, d'où l'idée de cercle ontochronique.  

Mais dans ce cas, la «relation» d'être et temps n'est pensable (plus ou moins pensable, voire impensable) que dans sa projection sur la courbe de l'Anneau. Les deux horizons, celui de l'être comme celui du temps, sont dès le départ projetés, pour ne pas dire fondus dans le cercle qui les renvoie infiniment l'un à l'autre à une vitesse conceptuelle égale à celle que peut atteindre le renvoi infini de l'interrogation qui se retourne sur elle-même et concentre sa nuit entière en un seul point.

Et à ce point, de nouveau, je reviendrai.

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Le cercle ontochronique est un 69 conceptuel dont il faut se méfier. Pour le dire dans les mots de Harvey Keitel: Let's not start sucking each other's dicks quite yet. (Traduction de François Vezin: Ne désobstruons pas de sitôt le dire qui vient à la parole dans le dévalement monolingual des uns sur les autres.)

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Etre et temps ne peuvent être «pensés» dans leur articulation intime que par projection sur le non-horizontal, c'est-à-dire sur la courbe accélérée de l'Anneau.

Paradoxalement, le cercle ontochronique -- qui est l'ouverture extrême de l'origine -- se solde par la fermeture du retour accéléré de <?> à <?>

La sérénité requise par la méditation ouverte de être-et-temps culmine dans l'affolement induit par la circulation fermée de l'interrogatif en lui-même.

Parménide: être et penser sont le même.  Ce que je traduis de la manière suivante: le cercle ontologique est le même que le cercle de la pensée interrogative.  

Mais alors comment l'immobilité de l'être parménidien pourrait-elle s'accorder à la vitesse de la pensée? En ceci que la rondeur fermée du cercle de l'être, cette «balle» qu'évoque Parménide, n'est rien d'autre que la projection de l'immobilité illusoire de la pensée elle-même, je veux dire: de cette illusion générée par le mouvement extrêmement rapide de la pensée en son propre fonds, mouvement au sein duquel <?> est renvoyé à lui-même à une vitesse si élevée que ce renvoi devient invisible à l'oeil nu -- disons: au concept nu -- d'où l'illusion d'immobilité.

Au fond, Parménide, c'est Héraclite: l'être (pensé) est ce fleuve dont l'écoulement est si rapide qu'il ne peut être vu, d'où l'illusion d'une balle bien ronde et bien immobile.

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Rien ne bougeait encore au front des palais (Rimbaud).  En apparence, rien ne bouge, mais uniquement parce que tout passe et fonce trop vite au coeur de la pensée. Soit un patient atteint de Parkinson: multiplions par 1000 son débit neurologique, il semblera immobile (un peu comme dans le film Awakenings).

Il faudrait relire Nietzsche, Bataille et Artaud dans cette perspective.  «Seul un néant, un vide atrocement douloureux me répondent quand je m'interroge» (Artaud).

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Croisons les axes.  Le cercle ontochronique (Heidegger) et le cercle ontonoïaque (Parménide) sont tous deux fondés, quoique de façon différente, dans le cercle interrogatif qui est l'expression de la vitesse conceptuelle absolue, soit la nuit ou la folie.


Partant de là, il s'agit de reprogrammer ou reformuler la double question du rapport de l'être au temps et de l'être à la pensée à partir de la relation du temps à la pensée, et voir de là comment la philosophie peut apparaître comme une tentative d'obstruction intelligible au renvoi infini de <?> à <?>, et de quelle manière les champs interrogatifs (mystère, énigme, question, problème) peuvent apparaître eux-mêmes comme autant de freins conceptuels qui fixent la vitesse à laquelle la réflexion peut et doit s'effectuer.









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