samedi 28 avril 2018

Complémentaire 27 (conte pour enfants)

1.  LE BILLET


Il était une fois et c'était pas très compliqué.

En fait, il était une fois aux alentours de 6h15 du matin, je pompais l'huile en silence dans le salon et j'étais plogué sur Diablo 3, pieds sur le pouf, en train de décâlisser Condamné le Violent.

J'avais travaillé fort pour élever ma moniale au niveau 73 du Parangon, et comme je jouais en mode Tourment, ça me prenait au bas mot une dizaine de minutes pour achever les hommes-chèvres auréolés de lumière jaune qui pouvaient, en principe, surgir de n'importe quel trou.  Qu'à cela ne tienne, je persévérais dans la mise en pièces, je m'improvisais missionnaire d'une oeuvre de destruction clinique, confiant que tout au bout de ce jeu de patience ergonomique -- qui n'était rien d'autre, au fond, qu'un exercice de frappe compulsive coordonnée à la névralgie de mon pouce droit --, je pouvais compter sur la découverte d'objets rares et de pièces d'équipement surdimensionnées qui m'emplissaient, à ma plus grande surprise, d'une joie comparable à celle qu'on éprouve quand on démontre le théorème de Fermat ou qu'on fracasse le record mondial de poissons rouges avalés en 52 secondes (je niaise).

Ma blonde me dit souvent qu'il ne suffit pas de se fixer des objectifs dans la vie, encore faut-il les visualiser.  Or au stade existentiel où je me trouvais, l'objectif par excellence était d'épuiser toutes les possibilités de ce jeu addictif et on ne peut plus abrutissant (je niaise pas).

Parlant de ma blonde, elle venait tout juste de se lever.  Je l'avais entendue péter dans la salle de bains.  Ce détail n'est pas superflu: au cas où vous ne l'auriez pas encore remarqué, l'amour, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, mais ce n'est pas non plus regarder ensemble dans la même direction (comme disait l'autre décadent).  Non, l'amour, c'est de péter calmement en présence du partenaire sans chercher à mettre ça sur le dos du chien.

(Question de nous éviter tout de suite d'encombrantes formalités, je vais vous tutoyer.  Lecteur(e), je vais te dire «tu» exactement comme si tu étais le mur de mes lamentations narratives.  J'écris «lecteur(e)», mais cette manie graphique est gossante.  Je vais écrire plutôt «lecteure», comme dans Hannibal Lecteure, je trouve ça plus seyant que «lecteur» (tellement dix-neuvième...) ou «lectrice» (tellement Elle Québec...), ou «liseuse» (tellement comme si je fournissais le câble de chargement...).  Cela dit -- lecteure --, ne va pas penser que l'ajout du «e» muet équivaut à une réaction à l'air du temps et aux débats qui font rage autour de l'écriture dégenrée  -- «excusez-moi, je vous dégenre?» -- non, rien de tel, je le précise au cas où tu te nommerais Mazarine ou Louis-Hubert et que dans ton enthousiasme dégueu pour les salons de thé de la rue Bernard ou les shishas lounge de la rue Saint-Denis, tu cherchais à tirer cet évangile en trois exemplaires dans les presses de ta névrose.)

((Lecteure, ne t'y trompe pas: tu ne seras ni mon semblable ni mon frère, plutôt ma pute(e), et si la situation te plaît au point de ne plus te pouvoir, console-toi en te rappelant que les succursales Renaud-Bray sont remplies de pyramides édifiées à partir de tous les nouveaux romans d'Alexandre Jardin.))  (((Je niaise.)))

(...)





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