jeudi 26 juin 2014

Le clan Kafka


Étrange de relire Le Château au moment même où on se retrouve dans l'entre-deux du déménagement, l'absence à soi fertilisée en raison du rangement des miroirs communs qui prennent un à un le chemin des boites.

Le nom de famille amputé de sa suite et de son propre, le K sans afka, le L sans angevin, le B sans outin et le S sans avoie.

Le propre arrêté au point de f(r)iction qui l'annonce et le voile, tant l'indifférence est le vecteur d'un mouvement, d'une avidité de néance s'accélérant dans le passage.

Je lis: «Dans le vestibule Barnabé avait déjà disparu.  Il venait cependant à peine de sortir. D'ailleurs, même devant la maison, -- la neige tombait de nouveau, -- K. ne put l'apercevoir. Il cria: Barnabé! Nulle réponse, Barnabé se trouvait-il encore dans la maison? C'était, semble-t-il, la seule explication possible. Pourtant K. jeta encore le nom de toute la force de ses poumons. Le nom passa comme un tonnerre dans la nuit. Une faible réponse parvint, à une distance incroyable. Barnabé était-il donc déjà si loin?»

Bonne question.

Et il est étrange, je ne dirai pas d'habiter, mais de se laisser hanter par la question, de passer en elle le temps de passer à autre chose.  Ni exil ni errance, plutôt une nostalgie couleur crème, un changement de sujet dans la suspension provisoire, infra-dramatique, du familier, et la sensation de soi comme en terrain vague, là où les faibles réponses parviennent (de fait) à une distance incroyable.

C'est le roulement de train qui ouvre la nuit d'été.

Les amis dont on ne sait à quoi ils pensent à l'instant même où on pense à eux.

C'est le roman qu'on avait projeté de relire et qu'on se reproche d'avoir rangé un peu trop vite dans une boite de Citra ou de Fleur du Cap.

C'est K., L., V. ou D., affiché incomplet et (tiens, tiens, tiens) une vieille conserve de rillettes de canard retrouvée entre deux sachets de pâtes fourrés au fond d'une armoire.



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