dimanche 23 octobre 2022

Mille millions d'éjaculats

 

1

 

Je dois vous parler de ma tante avant que le sperme atteigne le bord de la baignoire et que ma tête disparaisse sous le déluge de mon propre foutre.

Il y a deux semaines, c’était un lundi matin, j’ai reçu de ma tante un message plutôt troublant.  Elle me suppliait de venir la retrouver à Repentigny de toute urgence : elle devait m’entretenir d’une affaire importante qui ne pouvait plus attendre.  Elle consentait même à me dédommager de la journée de travail que j’allais sauter en conséquence de cette visite, mais de toutes les façons, elle me priait de la rejoindre là-bas le plus tôt possible.

Ce lundi-là, je ne pouvais évidemment pas savoir que j’allais, deux semaines plus tard, vous entretenir de ma tante en attendant de couler à pic dans une baignoire remplie à ras bord de mon mien jutron  Mais je vous dirai ceci : moi qui squatte encore l’appart de mes parents à l’âge de 26 ans, moi qui les ai rendus à moitié fou du fait que je refuse de décoller et que je ne conserve jamais une job plus de deux semaines, moi qui les ai poussés à bout à force de différer mon mariage avec Mazarine (cette fille de riche qui m’aime bien, mais qui a quand même des palettes de lapin et qui zozote comme une attardée), bref, moi qui suis ce qu’on peut appeler un raté intégral – oui, moi… ben j’ai toujours trouvé ma tante plutôt bandante.

Je ne l’ai pas vue souvent, remarquez, sinon de loin en loin, lors de rares réunions familiales, mais elle m’a toujours fait de l’effet.  Elle a beau avoir passé le cap de la cinquantaine, chaque fois que nous lui rendions visite, que je prenais place à ses côtés lors du dîner et qu’elle posait distraitement une main sur mon avant-bras, je sentais aussitôt une chaleur démente irradier de sa touche, un courant érotique d’une intensité exceptionnelle, et c’était d’autant plus troublant qu’elle n’en rajoutait jamais, ne posait jamais à la cougar --  non, même qu’elle était plutôt de style bas-bleu --, mais quand elle me touchait le bras, héé boy, ou que la courbe de ses seins gonflait la peluche de son chandail rose bonbon lorsqu’elle levait les bras pour ranger une assiette dans l’armoire, c’était plus fort que moi, je m’éclipsais en douce, courais me réfugier à la salle de bain, puis me branlais sauvagement, et pour aller plus vite, je giclais dans un des numéros du Magazine Littéraire qui traînaient dans le porte-revues, de préférence celui consacré à Auguste Comte.  Et si je traînais un peu trop, c’est Mazarine qu’on envoyait en éclaireure frapper à la porte :

- Qu’effe tu fous, biquet?  On t’attend pour le deffert, ma tante Alife a forti le gâteau aux framboives… miam… 

Bon, fidèle à ma vocation de raté, je n’ai jamais rien risqué.  Je bandais sur ma tante, et puis après?  Elle était heureuse en compagnie de mon oncle Hugo, un type plutôt taciturne si vous voulez mon avis, mais qui était follement amoureux d’elle, ça se voyait dans ses yeux, j’irais jusqu’à dire que ça frisait l’adoration, et même, lorsque ma tante lui parlait un peu sèchement, il en louchait et rougissait de honte…  Bon, je sais un peu mieux maintenant de quoi il en retourne, mais à l’époque comment aurais-je pu me douter que…

Plouip!  Encore un éjaculat.  J’ai calculé qu’à ce rythme, je serai englouti dans une heure ou deux.  Bon débarras…

Oh il y avait bien certaines rumeurs qui couraient dans la famille au sujet de ma tante…  Certains la disaient un peu sorcière.  D’autres laissaient entendre qu’elle était à la tête d’un système pyramidal de vente pour les produits Avon.  Mon cousin Greg m’avait même confié, entre deux lignes de coke, l’avoir déjà croisée dans un club sélect : il jurait ses grands dieux qu’elle était grimée en châtelaine médiévale et que mon oncle lui vernissait les ongles d’orteil sous la table...

Plouip, plouip!

Évidemment, quand j’ai pris le chemin de Repentigny, il y a deux semaines, je ne pensais à rien de tout ça.  À vrai dire, je croyais que ma tante voulait surtout me secouer les puces au sujet de Mazarine.  Il est vrai que je n’avais pas été très tendre avec elle ces derniers temps.  On s’était un peu engueulés, le soir du 26, parce que je tenais mordicus à voir l’épisode final de The Squid Game, alors qu’elle me cassait les couilles pour que je l’accompagne plutôt à une représentation de Riverdance – mais qu’est-ce que j’en avais à crisser?  Encaisser pendant deux heures un rigodon de gringalettes qui se disloquent les tibias sur un air de balade irlandaise pseudo-traditionnelle?  Elle n’avait pas prisé l’image.

- Regarde-toi!  Touvours écravé devant la télé dans le fous-fol de tes parents!  Et moi qui croyais te faire plaivir pour ton anniverfaire, vouh-hou-hou!

Cibole, je lui avais pourtant dit : pour mon anniversaire, je veux des fucking nachos et une branlette de compassion.  Rien d’autre.  Mais noooon, il fallait encore qu’elle se mette en tête de faire quelque chose de spécial, maudit crisse, qu’est-ce qu’elles ont à toujours vouloir faire quelque chose de spécial alors que tout ce qu’on leur demande, c’est de branler décemment, de sucer honnêtement et de ne pas laisser traîner leurs foutus pinceaux de maquillage sur le bord du lavabo?

En direction de Repentigny, je pensais donc : c’est ça, Mazarine est allée se plaindre à ma tante, mon compte est bon, l’affaire est entendue; ma tante – très cool et un tantinet mère supérieure -- va me réprimander tout doucement, insister sur le grand cœur de Mazarine, je vais bien sûr lui promettre de m’amender, d’être plus prévenant à l’avenir; ma tante me gratifiera d’un sourire compatissant, me dira *à la bonne heure*, elle me gardera sans doute à souper; au dessert, elle posera distraitement une main sur mon avant-bras, de sorte que je me précipiterai à salle de bain, prétextant un étourdissement, et je giclerai dans le numéro du Magazine Littéraire consacré à Lamartine…

Plouip!

 

2

 

En arrivant chez ma tante, la porte de l’appartement était entrouverte et une musique étrange, genre électro allemand, provenait du salon.  L’éclairage ne me semblait pas le même que d’habitude : il était plus tamisé, plus atmosphérique si on veut, et contrastait avec la luminosité solaire, presque visqueuse, qui nimbait d’ordinaire la salle à diner.

- Ma tante?  Mon oncle?

Je passai le seuil et avançai timidement dans le vestibule.  Des cris étouffés me parvenaient lointainement sans que je puisse dire s’ils faisaient partie de la trame musicale ou bien…

Parvenu au salon, je m’effondrai sur les genoux. 

Le souffle coupé, j’aperçus ma tante, nue intégralement; je la voyais de dos, elle se tenait au milieu du salon, jambes écartées, caressant de l’index le manche d’un fouet, les chevilles enfoncées dans des escarpins de couleur crème.  Sur le mur du fond, là où on apercevait d’ordinaire le vaisselier, une croix de saint André avait été disposée sur laquelle mon oncle était menotté, nu lui aussi et face contre le mur; son cul déchaussé portait la marque de cinglages récents et profonds.

- Il n’y a pas trois personnes au monde qui ont vu ce que tu vois.

La voix de ma tante me parvenait comme du fond d’un gymnase, altérée par une puissance et une hauteur qui me décomposèrent.  Je voulus me relever mais je n’y parvins pas; mon regard demeurait rivé à ses cuisses dont l’écart formait un triangle équilatéral.  Sans se retourner, elle dit :

- Je vais décrocher ton oncle de la croix, tu vas prendre la place de ce pauvre sans-dessein et je vais t’ouvrir le cul à coups de fouet.  Tu es une honte pour tes parents.  Tu es une honte pour nous.  Tu es une honte pour toute la famille.  Et tu as humilié Mazarine qui pourtant t’adore.  Tu ne la mérites pas.

Sa beauté avait quelque chose d’inhumain, sa nudité n’était pas exactement de ce monde -- je voulus sur le champ plonger mon visage dans la raie de ses fesses, mais j’étais paralysé et mes genoux flageolants me soutenaient à peine.

- Ma tante, est-ce bien toi?... je… tu veux me punir de quoi au juste, là?

- Te punir?  Mais non, bien au contraire, je vais te faire un don.  Tu vas recevoir de moi le sacrement de l’éjaculation perpétuelle.  Amène-toi, minable, rampe sous le pont de mes jambes et ouvre la bouche.

Cette fois, ce fut trop.  Je ne sais comment je trouvai la force de rouler jusque dans le vestibule, je devais ressembler à un de ces poissons préhistoriques qui effectuent un saut évolutif en direction de la terre ferme, mais je me traînai vaille que vaille jusqu’à la porte d’entrée, le cerveau brouillé par le rire fêlé de ma tante, et mon sexe était si dur que je giclai dans mon froc à l’instant où je franchis le seuil de l’appartement.  

Parvenu dans le rue de R…, je réussis tant bien que mal à me remettre sur pied, mais sitôt debout, je bandai derechef et giclai à nouveau, cette fois de façon plus abondante encore.  Je n’y comprenais rien.  Et tout au long des 20 kilomètres que je brûlai à bord de la Yaris de mes parents, je dus éjaculer au moins à 30 reprises et de façon si considérable qu’à l’arrivée mon pantalon se réduisait à une horreur textile indéfinissable et que le bras de vitesse gisait sous une toile de sperme si compacte qu’on eut dit un pilon minéralisé dans un chaudron de fondue au fromage datant de l’âge de pierre.

 

 

3

 

Ce soir-là, quand je suis rentré à la maison les culottes en charpie, ma mère n’avait pas eu le temps de me demander où j’étais passé que je lui giclai au visage. 

Peu importe ce que je disais ou faisais, je ne pouvais plus m’enlever de la tête la vision de ma tante brandissant le fouet, et je rebandais sitôt l’éjaculation achevée, et je rééjaculais sitôt la bandaison maximisée.

Je giclai dans le potage de mon père.

Je giclai sur tous les murs de la cuisine et jusque dans le lave-vaisselle.

Je giclai sur l’horreur de perruche à qui mon cousin Greg avait appris à dire le mot *fuck*.

Je ruinai ma collection de Playboy Vintage et tous les numéros de l’Almanach du peuple qui traînaient dans le salon de mes parents.

Je giclai sur mon portable alors même que j’expliquais la situation à la réceptionniste de l’hôpital Maisonneuve.

Désespéré, j’implorai Mazarine de me branler jusqu’à ce que j’en crève, mais à la 56e éjaculation, elle craqua et se mit à hurler : Tu es un obfédé fexfuel, ve ne veux plus vamais te revoir!

Après 48 heures d’éjaculation forcenée, je quittai en catastrophe la maison de mes parents et je courus chercher refuge dans un motel minable de la 117, non sans avoir giclé entre les seins de la patronne lorsqu’elle me tendit la clef de la chambre.  Après avoir sifflé trois bouteilles de mauvais vin, je m’effondrai, exsangue, dans la baignoire pour ne plus jamais en sortir.

Voici bientôt deux jours que je jouis de la sorte sans discontinuer, tournoyant sur les bords d’une vision qui n’a pas de fond, éjaculant au rythme d’un plouip! aux 30 secondes et m’enfonçant toujours davantage dans la fondue spermatique dont le niveau va bientôt excéder les capacités de la baignoire et me fossiliser vivant comme un noceur de Pompéi.

Je n’en ai plus pour très longtemps.  Le niveau monte lentement mais sûrement, et je n’ai plus la force de bouger.  J’entends toujours le fouet de ma tante qui fend la distance et les ténèbres.  Je résisterai, je résisterai, je résist…

Je rampe sous le pont de ses cuisses parfaites, ma langue glisse sur ses talons aiguilles de couleur crème, plouip! éclair de flash et puis black-out.




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