dimanche 11 mai 2014

La fin de l'histoire

La composition du récit est étrange: si la fin ordonne le commencement en sa direction, elle le pervertit. Comment serait-il possible de préserver le caractère irruptif de l'origine si, dès le départ, la fin est donnée. Écrire se réduit alors à une gestion de scènes pré-schématisées, une forme de management esthétique lui-même asservi à l'ordre de l'attente.

Si la fin doit finaliser, ce ne peut pas, ce ne doit pas être en ce sens qu'elle magnétise mécaniquement vers elle ce qui la précède, ou plus précisément, ce qui lui succède de fait, mais qu'elle renvoie derrière elle pour donner l'illusion de l'origine.

Si la fin doit finaliser, elle ne peut pas être connue a priori, mais seulement pressentie, et se révéler dans le temps de son événement, ni avant ni après, mais seulement lorsque la fin, comme tout le reste, est à hauteur d'Instant.

Le récit ne doit donc pas sortir des gonds de son origine: tout doit commencer toujours jusqu'à la fin, jusqu'à la dernière phrase, jusqu'au mot «fin». 

L'origine est de l'ordre d'une catastrophe contingente -- rien ne peut faire sens de l'ouverture d'un récit -- et la fin également: si elle ne loge pas elle-même à l'enseigne du désastre, l'écriture est un acte servile.

(Mais la contingence irruptive n'est pas gratuite pour autant.  Il y a une «logique» de l'explosion narrative, une poésie de ce qui se cherche dans les ruines.  La déflagration est ordonnée du dedans.  L'inspiration est expiration: je ne rends pas le dernier souffle, mais le premier.)

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