mercredi 23 juillet 2014


C'est cette liberté, l'impression que je n'étais pas en cause, qui, à mon insu, dut me pousser à intervenir; j'interrogeai faiblement: «Si j'écris?»  Cela m'échappa plutôt comme un soupir que comme un mot, mais si faible que fût cet ébranlement, il suffit à rompre l'équilibre et, sur-le-champ, comme attiré par ce vide, son murmure ininterrompu qui avait jusqu'ici erré au hasard se retourna impétueusement contre moi, me fit face, tandis qu'il me demandait avec une autorité qui faisait un ridicule contraste avec la faiblesse de mes moyens: «Ecrivez-vous, écrivez-vous en ce moment?»  A quoi je ne pus m'empêcher de lui répondre: «Mais, vous le savez bien, je ne puis plus écrire et je ne suis presque plus moi-même.»  Paroles que je regrettai à cause de leur sérieux, et aussitôt leur firent suite, à la manière furtive d'un léger rire, quoique d'un peu plus loin, ses mots à lui: «Ecrivez-vous, écrivez-vous en ce moment?»

Maurice Blanchot, Celui qui ne m'accompagnait pas, 104-105.






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